Thème | Période | Territoire |
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Les circuits parallèles de diffusion des toiles de l'Océan indien en Bretagne au XVIIIe siècle, thèse sous la direction de Gérard Le Bouëdec, Université de Bretagne Sud, Lorient. | ||
Echanges | XVIIIe siècle | Bretagne |
Projet de thèse d'Histoire Moderne
Les circuits parallèles des toiles de l’Océan indien en Bretagne au Xviiie siècle.
Présentation du projet de Thèse.
Les toiles peintes, mousselines et soieries de l’océan Indien aux XVIIe et XVIIIe siècles circulent, en France comme dans le reste de l’Europe, dans un environnement relativement complexe en raison d’une législation prohibitive, changeante et plus ou moins drastique. Avant même d’entrer dans l’espace européen et d’envahir les rues, les vestiaires et les boutiques – non sans difficulté et détracteurs - sont-elles d’abord le fruit des échanges des compagnies des Indes, qui suscitent dans l’ancien monde un « goût de l’Inde » de plus en plus prégnant. L’histoire de ces compagnies, telle celle de Philippe Haudrère[1] pour la France, a longtemps favorisé le grand commerce maritime, révélant, de cette manière, les pérégrinations des étoffes asiatiques dans le monde. La Compagnie française des Indes, en tant qu’agent de liaison entre les continents asiatique et européen, n’est rien sans les marins. Certes, elle participe à la diffusion de plus en plus large des produits asiatiques, mais des acteurs plus anodins, sujets d’études en cours et à venir, participent pourtant à leur façon aux mécanismes de diffusion, de consommation, aux échanges Europe-Asie ou intra-asiatiques, en contournant les restrictions du commerce qui gratifient les compagnies d’un monopole exclusif.
En France, l’arrêt du Conseil d’État du 26 octobre 1686 marque le point de départ de ce commerce parallèle, oscillant entre la légalité et l’illégalité compte tenu des acteurs qui le pratiquent, des marchandises qu’ils achètent, vendent ou échangent. Ce même arrêt – qui reste en application jusqu’en 1759 - a également ouvert les portes de la fraude aux indiennes. Sur tout le territoire français, cette fraude se manifeste par la contrebande de ces toiles peintes provenant des cargaisons des autres compagnies européennes ou par celles issues des manufactures de toiles peintes. Elle s’enrichit dans la province de Bretagne, située à l’Ouest du royaume de France d’une nouvelle forme de commerce parallèle : celle des pacotilles des gens de mer de la Compagnie des Indes. Installée à Lorient depuis 1666, la Compagnie française des Indes concède, en effet, aux membres de ses équipages le droit d’embarquer à bord de ses navires un certain volume de marchandises acquises par leurs propres moyens et pour leurs propres comptes. Ce commerce particulier transforme les gens de mer en véritable chargés d’affaire pour des bailleurs de fonds. Il alimente différents circuits de distribution périphériques et familiaux et permet à divers individus de s’approvisionner en produits dits de luxe, de surcroît prohibés, à des prix abordables.
Suffisamment d’indices existent sur le territoire Breton pour affirmer que la consommation de ces fameuses indiennes est largement répandue sur le territoire breton. Les inventaires après décès sont le reflet du succès de ce goût nouveau. Ensuite, les ventes annuelles de la Compagnie des Indes, les inventaires de boutiques, les inventaires après décès dans les foyers urbains ou ruraux, permettent d’établir la réalité d’un marché ainsi que les dimensions de sa clientèle. Mais le chercheur butte sur la difficulté de mettre au jour la circulation de la marchandise. La recherche a jusqu’ici privilégié le commerce en gros, mais a négligé le commerce de détail et ses acteurs. Or, on constate qu’à côté de l’économie d’échange qui prend sa source dans les ports et qui conduit jusqu’au particulier, avec les lacunes évoquées, existe une économie informelle à l’articulation entre le légal et l’illégal. La pacotille et la contrebande d’une part, le marché de l’occasion d’autre part. Or ces deux économies d’échanges ne s’ignorent pas et les réseaux s’imbriquent.
Quelques axes :
1. Démontrer la large présence de cette consommation de l’exotisme en partant de l’intimité des foyers, en travaillant sur la notion de marqueur social et même de marqueurs identitaires dans certaines catégories de populations maritimes. Pourquoi ce succès quantitatif et qualitatif des produits asiatiques ?
2. Rechercher les sources d’approvisionnement des foyers :
- Les boutiques et commerces, les tailleurs.
- L’économie parallèle des relations de proximité et le marché de l’occasion.
3. Remonter jusqu’aux sources initiales de l’approvisionnement des boutiques en reconstituant les filières depuis le négociant en gros qui achète dans les ports, et notamment à Lorient, en passant par le courtier.
Sources principales:
Archives départementales des Côtes d’Armor, du Finistère, d’Ille-et-Vilaine, de Loire-Atlantique, et du Morbihan, archives du port de Lorient [Service Historique de la Défense, département Marine, Lorient] : Archives du notariat, du consulat, de l’amirauté, de la Ferme Générale.
Inventaires des hardes des gens de mer de la Compagnie des Indes, inventaires après-décès, procès-verbaux de saisies de marchandises, de visite de navires, faillite de marchands, bilans comptables, livres de compte…
[1] Haudrere, Philippe. La Compagnie des Indes au XVIIIe siècle, 4 volumes, Paris, librairie de l’Inde, 1989.